Les pollutions du Bassin d’Arcachon. Les identifier et les combattre.
Cet article a vocation de lister une grande partie des pollutions présentes dans le Bassin d’Arcachon qui, en ce début d'année 2016, atteignent des proportions alarmantes. Cette liste est le résultat du long et incessant travail de prospection et d’alertes d’associations, d’hommes et de femmes de terrain qui oeuvrent à la protection du bien commun. Les causes et les raisons de ces pollutions exigent une analyse du fonctionnement de notre territoire, de son économie, de son comportement. Il est important de trouver des solutions qui prennent en compte les systèmes naturels et les systèmes sociaux présents autour du Bassin d’Arcachon, espérons que le parc marin nous les apporte au plus vite.
Patrick Ransinan.
Liste non exhaustive des pollutions présentes dans le Bassin d’Arcachon.
Données recueillies auprès de René CAPO, Françoise Branger (Bassin d’Arcachon écologie), Josiane Giraudel (http://www.ecocitoyensdubassindarcachon.org/)
Les lixiviats des anciennes décharges qui ceinturent le Bassin d'Arcachon et tout particulièrement le scandaleux CET d'Audenge construit sur le terrain sablonneux du bassin versant, à 1m70 des nappes d’eau superficielle, et dont les lixiviats (le jus toxique des déchets) continuent à se répandre dans le Bassin en suivant les nappes (malgré des mises en accusations de certains points précis de l'activité du CET par un tribunal de Bordeaux, cette affaire s'est terminée par lamentable non lieu). Il y a une forte suspicion que les lixiviats soient responsables, avec les herbicides et les pesticides, de la dramatique régression des zostères (habitat des poissons juvéniles, des hippocampes et des coquillages, fixateur des vases, nourriture pour nombre d’oiseaux migrateurs, oxygènateur de l'eau) et probablement de la mortalité du naissain (larves d’huîtres et de moules), ce qui à ce jour n'a pas été validé scientifiquement.
Nota : en ce qui concerne les champs de zostères sur le nord bassin, d’Audenge à Arés, il ne s'agit pas de régression mais de destruction totale, tout est irrémédiablement mort, les zostères, les palourdes, les crabes : https://www.bassindarcachon.com/crii_du_kayok.aspx?id=58
Les rejets du Wharf de La Salie
Le warf rejette à 700 mètre du littoral (plage de la Salie, côté Océan, au sud de la pointe d’Arcachon) les eaux usées des 10 communes du littoral. S’ils sont traités avant rejet (les détergents, entre autres, n’y sont que partiellement traités), ces effluents sont scientifiquement reconnus contaminés par les micropolluants et les résidus médicamenteux. S'ajoute à cela les effluents de l’usine Smurfit de Biganos.
Depuis 2007, un floculant, le polychlorure d'aluminium, censé stabiliser les effluents, est présent dans les rejets du Wharf, il va être utilisé pendant les 26 années à venir dans le milieu marin et dans les boues d'épandage (résidus des stations d’épuration répandus sur des terrains agricoles situés à proximité du Bassin d'Arcachon).
Nitrates et pesticides
Les ruisseaux et les eaux de ruissellement chargés de nitrates, d’herbicides et de pesticides (agriculture, jardins de particuliers, terrains de sport, golfs, entretien communal..) traversent les terres du bassin versant et viennent se jeter dans le Bassin. Les communes du Bassin sont en "zone vulnérable aux pesticides", il y a obligation de laisser des bandes enherbées de 5 m de part et d’autre des ruisseaux, malgrès cela des maïsiculteurs sèment et traitent jusqu’aux ruisseaux, la règlementation pesticides n’est pas respectée. Signalons également que les cours d'eaux et crastes qui se jettent dans le Bassin sont encore et toujours considérés comme des dépotoires (les opérations de nettoyages menées par les associations en témoignent).
Les HAP et les anti-fouling
Les insidieux et terribles HAP sont de plus en plus présents dans le Bassin (nous approchons des quotas maximum autorisés), les Hydrocarbures aromatiques polycycliques sont le résultat d’un trop grand nombre de bateaux à moteurs (des pics de fréquentation de 13 000 embarcations simultanément sur le plan d’eau), d’une activité automobile considérable et grandissante du fait de l’urbanisation (un flot incessant de 18 000 véhicules par jour autour du Bassin toute l’année) mais également des feux de cheminées. L'impact des peintures antisalissures, la carence du manque d'équipements d'aires de carénage à sec, d'équipements de traitement des eaux noires et eaux grises de navires dans de nombreux ports s’ajoutent à ces HAP et perturbent les équilibres écologiques du milieu marin de manière irréversible amenant des problèmes de santé publique et pouvant conduire à l’interdiction de toute consommation de coquillages.
L’usine SMURFIT
La nouvelle cheminée de l’usine (inaugurée par nos élus) répand ses particules fines et ses HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques) sur le territoire, terre et mer. Nous voilà avec la plus grosse chaudière biomasse d’Europe de l'Ouest, au bord du Bassin d’Arcachon. Ce n’est pas tout, la liqueur noire issue du processus de fabrication de la pâte à papier est un concentré de matières organiques qui a pour effet de “dévorer” l’oxygène présente dans l’eau. Elle est actuellement “traitée” puis rejeté au warf. En 2012, l’explosion d’une cuve a provoquée un déversement de ce produit dans le Bassin via le Lacanau, affluent de l’Eyre, tuant toute vie sur des km. De plus, l’usine prélève dans cet affluent 28 000 m3 d’eau par jour. Signalons également le problème de l’épandage des cendres (20 000 tonnes par an) avec la présence de dioxines et de furannes, épandages autorisés par le Préfet !
En 1969, Pierre Davant, aidé par les ostréiculteurs et ses amis universitaires, en avait fait son combat en créant l’association environnementale SEPANSO, il a également créé la réserve du Banc d’Arguin, mille mercis Monsieur Davant!
Les dragages des ports
Les polluants chimiques issus des activités humaines se retrouvent en grand nombre dans les vases portuaires, en particulier le TBT, tributyl-étain, composé organostanique, perturbateur endocrien et toxique pour de nombreuses espèces (présent dans les peintures anti-fouling jusqu’en 2003) ainsi que des métaux lourds comme le cuivre, le plomb.
A noter que l’Irgarol, actuellement utilisé, est également un antifouling d'une redoutable toxicité qui a eu de lourdes conséquences sur la vie biologique dans le Bassin, c'est extrémement destructeur.
Aux polluants chimiques, il convient d’ajouter le facteur de la pollution microbiologique des vases qui atteint des niveaux préoccupants dans certains ports, avec la présence de nombreux germes pathogènes. Cette forme de pollution est susceptible d’affecter tant la qualité des eaux pour la baignade et les sports nautiques (plaisance, plongée, etc.) qu’une nouvelle fois la pêche à pied et les installations de production aquacoles. Concernant les vases issues des chenaux, aucune disposition n'ayant été prise, elles sont aspirées puis rejetées plus loin dans le Bassin pour : troubler l'eau en empêchant toute photosynthèse et ... revenir.
Le Réensablement des côtes du Pyla
Le dragage et le réensablement des plages du Pyla générent un très important déplacement des sédiments qui asphixie toute forme de vie sur des km2, le trou de Saint Yves par exemple, devant Arcachon, est totalement sinistré, fonds recouverts, destruction des herbiers de zostères, des hippocampes .. Cette intervention humaine, qui de surcoît n'a rien de pérenne, est une catastrophe écologique inadmisible. Mr Frédéric Lamothe (plongeur, photographe).
Les eaux pluviales
Avec 18 000 voitures qui tournent chaque jour autour du Bassin (conséquence d'une politique d’urbanisation incohérente à côté d'une zone écologique aussi sensible), les routes sont devenues aujourd'hui une menace réelle. Ce qui va dans la terre, va au Bassin : huiles, hydrocarbures, produits des laves glaces, résidus de pneumatiques, etc. (les eaux pluviales devraient être maintenant infiltrées à la parcelle, les fossés entretenus et enherbés afin de filtrer les éléments polluants).
Le bruit
La France, à la suite du Grenelle de la mer et via la loi Grenelle II, reconnaît officiellement les nuisances de la pollution sonore depuis 2010 comme une des formes de pollutions marines, qu'il s'agisse de « l'introduction directe ou indirecte dans le milieu marin ». Les jets skis 2 temps, les moteurs surpuissants de bateaux, les avions et les hélicoptères (impensable que l’on puisse tolérer le survol du bassin par ces engins!) utilisent sans aucune contrainte le plan d’eau. Des preuves scientifiques montrent que ces bruits perturbent et affectent parfois mortellement (directement ou indirectement) nombre d’espèces aquatiques. Et bien sur, les humains qui recherchent le calme et la détente de la petite mer de Buch, n'en peuvent plus.
La qualité de l’eau
Intervivew de Hélène Budzinski, directrice du Laboratoire de physico et toxico-chimie des systèmes naturels, une équipe CNRS/ université de Bordeaux 1,
Les normes sur la qualité de l'eau sont dépassées ?
Elles sont basées sur une connaissance parcellaire. La liste des polluants réglementaires contient à peu près cinquante molécules sur lesquelles on qualifie la santé des écosystèmes aquatiques. Ce choix obéit à une certaine pertinence puisque ce sont des composés dont la toxicité est prouvée. On va par exemple trouver le cadmium (NDLR : un métal lourd qui a pollué l?estuaire de la Gironde, ce qui y interdit l’ostréiculture ainsi que la consommation d'huîtres sauvages). Cette liste est établie à un instant donné. On y trouve des pesticides qu’on a arrêté d'utiliser. Alors que les pesticides qui les ont remplacés n’y figurent pas. Signe de ce décalage, les médicaments viennent seulement de rentrer dans la liste en 2012. Trois principes actifs y figurent pour quatre mille composés pharmaceutiques consommés : le diclofénac, un anti-inflammatoire persistant que l’on trouve de façon récurrente et dont on a prouvé la toxicité, l'ibuprofène et une hormone impliquée dans les phénomènes de féminisation de la faune. Mais quand on regarde une molécule, on en laisse dix de côté. Et quand on regarde une famille de molécules, on en laisse aussi dix de côté.
Y a-t-il des éléments chimiques qui, même à l'état de traces, doivent être recherchés ?
La recherche a mis en évidence qu’on a parfois des effets spécifiques aux faibles doses. Quand on baisse la concentration du produit, on voit apparaître des effets toxiques qu'on n’obtenait pas à forte concentration. Et puis il y a l'effet des mélanges chimiques. Dix faibles doses de composés différents peuvent entraîner des effets toxiques. On relève ce type de problème dans le bassin d'Arcachon. On a une trentaine de molécules de pesticides présentes dans les eaux à des concentrations très faibles. En mélange, on commence à constater des effets lors d’expériences en laboratoire sur des huîtres et des herbes marines.
Nous aurions pu parler :
Des laisses de mer essentielles à la biodiversité qui sont retirées des plages.
De la quantité phénoménale de puits forés autour du Bassin d’Arcachon qui participent à l’abattement et à la salinisation des nappes avec un risque important sur l’alimentation en eau des arbres.
Des fuites du réseau des "Eaux usées" du SIBA dans les nappes phréatiques communiquant avec les eaux du Bassin.
Des galettes de fuel issues de la marée noire du Prestige que l'on peut retrouver encore sur les plages d'Audenge, Lanton, Arès, Andernos et du Teich.
De biodiversité marines avec la disparition des couteaux et la raréfaction de nombreuses espèces marines.
Des macrodéchets d'origines maritimes ou terrestres (les déchets ostréicoles avec les coupelles, les sacs en plastiques qui tapissent le fond des chenaux et le rivage aquitain).
Du risque de présence de microparticules de plastique dans les huîtres.
Du réensablement des plages.
AVIS! Pour devenir une vigie et un(e) acteur(ice) de la protection de votre environnement, adressez-vous à une association proche de chez-vous.