La décharge d'Audenge est une aberration, comment l'État a t'il pu laisser s'installer une des plus grandes décharges d'Aquitaine dans le bassin versant Est du Bassin d'Arcachon (2ième décharge d'Aquitaine, 2 millions de tonnes de déchets). Les nuisances de cette décharge sont, de loin, les pires que connaisse le Bassin : les nappes d'eau de ruissellement (celles qui se situent à environ 7 m de profondeur et dans lesquelles nous puisons l'eau de nos puits) qui traversent la décharge (et toutes celles du nord-bassin) se chargent du lixiviat des décharges et s'écoulent inexorablement sous les vases du nord-bassin et beaucoup, par résurgence, dans le Bassin. Une implacable pollution. Sur ce sujet sensible, j'ai souhaité redonner la parole à un ancien du Bassin, pêcheur d'anguilles et puisatier traditionnel (une grande connaissance de nos sous-sols), à son époque les soles lui passaient entre les jambes dans les rouillets (on les péchait à la fourchette), il y avait des canards plein le ciel. Il a tout vu, les premières décharges sauvages, l'enfouissement des déchets, la détérioration des vasières, l'aveuglement des élus.
P.RANSINAN pour Bassindarcachon.com
Lixiviats et résurgences, la pire des pollutions pour les vases et les eaux du Bassin d’Arcachon.
Les vases devant Lanton, Taussat
Il y a une vérité derrière chaque dérèglement, cet article est basé sur ce principe, pas facile à développer tant les vérités peuvent être nombreuses en fonction du choix des analyses.
Depuis 1985, curieux de nature, je me suis intéressé à ce que je considère être la plus « importante pollution du Bassin », j’ai nommé les lixiviats et leurs résurgences qui pénètrent les vases du Bassin. Ces fameux jus de nos anciennes décharges toujours enfouies sur le nord du Bassin d’Arcachon et leur impact dramatique sur le milieu :
L'empoisonnement de la vase, à partir de là, la mort du varech (les zostères) et celle du naissain (mais on peut me dire le contraire).
Je rassure immédiatement mes détracteurs, je ne suis pas un « savant », je ne peux rien prouver, ce qui va faire hurler de rire les stupides et les imbéciles, mais mon expérience, l’observation, la logique et le bon sens (qui sont les preuves du pauvre), devrait je l’espère nous éclairer.
Certainement que le Bassin que je vais vous décrire va vous apparaître bien différent que ce que vous pouviez en savoir ou connaître à ce jour.
Avant tout un peu d’histoire : le bassin dans ses origines était un delta, le delta de Leyre ou fleuve bicéphale (la Grande leyre et la Petite Leyre, formant Leyre), 118 km de long (virgule, 400 mètres pour les grincheux). La Leyre prend sa source au marais de Platiet à côté du village de Sabres dans les Landes, mais cette eau vient bien entendu de bien plus loin, des glaciers des Pyrénées, ceci est important, sachez que le système hydraulique du sous sol est considérablement plus important que l’eau qui court sur le sol ferme.
Plus tard, au fil du temps, le delta est devenu lagune, puis le Bassin tel que vous le connaissez actuellement. Les alluvions de la Leyre, les décompositions multiples, les coquillages, huîtres, moules, les végétaux divers ont produit au fil du temps les vases actuelles.
Aujourd’hui le Bassin d’Arcachon est en souffrance, on parle de réchauffement climatique, de pollution, d'acidification des eaux, de turbitude, de maladies, les causes sont certainement multiples mais, et l'homme dans tout ça ? Il y a eu les Bituriges Vivisques, les Boïates…le long de la Leyre, ceux-là n’ont pas du faire grand mal, Il y a eu aussi les romains, eux ont laissé des vestiges mais pas de pollution, puis les « premiers habitants » vers 1850 , bof bien trop peu nombreux et à cette époque on récupérait tout. Avant guerre ? On n’était toujours pas très nombreux, et les habitants des villages entretenaient les fossés, les chemins ainsi que le Bassin, tout se faisait à la pelle et au tombereau, tiré par un mulet. Qui n’a pas apporté à cette époque, (dure sans doute mais bénie et saine), une latte coupée au matoucat pour marquer un chenal ? Ou aider un voisin à nettoyer son parc (ou à le construire ?) Tout allait plutôt bien pour les hommes et la nature a cette époque .
Jusque dans les années 60, 70, la vie était belle, mais voilà le trop beau a une fin, se développa alors (à partir de 1960) la société de consommation avec dans son sillage ses lots de déchets. En 1970, en gros, les ennuis ont sérieusement commencés : les premières poubelles sauvages dans la forêt, les premiers touristes en nombre et les mairies derrière qui, par camions entiers, récupéraient au bord des routes les détritus “balancés” dans la nature (les premiers feux de forêt aussi), les maires ont donc ouvert des sites d’enfouissement pour les déchets et ça été le top départ, le début des grandes décharges.
Sauf que nous sommes au bord du Bassin d’Arcachon, une zone environnementale d'exception, la plus grande écloserie d’huîtres d’Europe (le naissain), une nurserie pour deux milles espèces d’animaux marins dont les 2 espèces d'hippocampes vivant en France, un fabuleux et unique éco-système.
Bien sur il y a eu une étude, pour couvrir les actes, qui a conclue que l’enfouissement des déchets pouvait se faire sans danger pour les nappes phréatiques et le Bassin en contre-bas, ben voyons, on croit rêver. Qui peut donner des conseils pareils et des gens responsables le croire.
Ce qui a été déposé dans ces décharges publiques à proximité des plages dépasse l’imagination, tout se calcule en millions de tonnes. Quand on pense aux 40 hectares de dépôts d’Andernos, à ceux d’Audenge, d’Arès, Lège et du Porge, un cerveau humain peut difficilement imaginer les volumes et les poids, c’est gigantesque.
Des tonnes de batteries de voitures, des cuves pleines de mazout, du plomb, du cuivre, des millions de litres d’huile de vidanges, des voitures et des bateaux entiers, les déchets ménagers par millions de tonnes, des résidus d’hôpitaux.
J’ai vu tout ça de mes propres yeux et beaucoup d’autres avec moi. Il c’est jeté des tas de choses bizarres là dedans, des choses interdites, même à l’époque, beaucoup de gens d'ici sont au courant, je les engage à témoigner sur ce forum.
Cet enfouissement c’est fait là tous les jours, pendant près de quarante ans sans que l’on ne dise pratiquement rien. Les maires étaient dépassés, sans solutions et ça a continué.
L’IMPACT DES DÉCHARGES
Pour schématiser, les décharges se composent de trois dimensions : longueur, largeur et profondeur. Tout cela a un poids, les décharges se tassent et s’enfoncent graduellement tous les jours un peu plus dans notre sol sableux, en s’enfonçant elles traversent le passage des nappes de ruissellement qui passent à quelques mètres sous nos pieds sur tout le littoral nord bassin, les mêmes nappes dans lesquelles vous puisez l’eau pour vos puits forés, ça c’est ma logique (à moins que l’on me dise l’inverse).
Continuons. Les décharges se ressemblent mais ne sont pas égales en produits toxiques, chacune ayant sa signature propre, tout comme les lixiviat (mais c’est moi qui le dit).
Alors ce lixiviat, comment et par quels mouvements souterrains chemine t’il dans le sous sol, va se répandre sous les vases et jusque dans le plan d’eau (d’après mes observations et particulièrement dans sa partie nord, à droite de la plage de Lanton et Taussat).
Les vases devant Taussat
Les eaux dites de ruissellement vont naturellement, par gravitation, du plus haut vers le plus bas. Les lixiviat des décharges portés par ces eaux n’échappent pas à cette règle, ils empruntent le même système hydraulique naturel du sol, celui de l’eau de vos puits (c’est un bon exemple pour mieux comprendre). Cette eau de ruissellement, dite “eau vive”, en se déplaçant, percute de plein fouet les décharges, les traverse par osmose et continue son chemin sous les vases du bassin (en s’enfonçant, les décharges touchent à la fois les nappes stagnantes (à faible ruissellement) et les nappes à eaux vives (entre 15 et 20 m3/h).
A quelles profondeurs exactes ? Je l’ignore précisément mais les évalue vers les quinze à vingt mètres environ
Les lixiviats atteignent t’ils réellement le Bassin ? A moins que les nappes phréatiques de ruissellement ne s'arrêtent au net de la plage je ne vois pas très bien où elles peuvent aller, en Chine peut être.. Non elles ne s’arrêtent pas hélas et passent dans les vases (qui représentent la plus grande surface au bassin). Il est fort probable que ces polluants atteignent également les chenaux par résurgence (en mon temps on déposait les bouteilles de vin à rafraîchir dans ces sources d’eau douce qui montent du sol, les plongeurs en apnée les connaissent bien, on peut les voir à contre jour par diffraction de la lumière du soleil).
Quels volumes d’eau passent par infiltration, et osmose dans les décharges ? Je répète que je ne suis pas un scientifique mais un simple observateur, je raconte un expérience de toute une vie et vous avez le droit de contester ces chiffres, bien évidemment. Je ne demande qu’une chose en échange, me proposer les vôtres.. ou de me dire, non ce n’est pas possible Isidore ! Un simple et honnête échange.
Les débits des ces eaux souterraines de ruissellement, celles donc qui alimentent tous les puits forés du Bassin et dont une partie passent sous et dans les décharges, je les connais bien. J'estime à près 25.000 m3 /h le volume d'eau qui pénètre sous et dans la seule décharge d’Audenge, soit 60.000 tonnes d’eau saine et de lixiviat (liés entres eux) sur 24h, cela parait énorme mais le volume d’eau qui passe en sous sol l'est bien davantage.
J’ai bien sur ma façon de calculer, peut-être avez vous pu observer le creusement d’une piscine par chez nous, avez vous vu la quantité de pompes utilisées pour évacuer l’eau du sol (faire un abattement d’eau), c’est considérable, essayer de faire un calcul simple du débit (prenez la largeur et la profondeur de la piscine et comparez les proportions entre une piscine et une décharge).
Ma plus grande crainte est dans la composition de ces lixiviats, le mélange des polluants, des différentes chimies, a t’on fait les bonnes analyses dans le Bassin ? Nos chercheurs viennent d’étudier la régression des zostères, ont-ils fait des analyses chimiques de l’eau et des vases sur le nord Bassin, ont’ ils cherché les bons polluants ?
En haut lieu, rien d’alarmant, la seule chose que l’on sache c’est qu’au bassin tout meurt en bonne santé. Où est la logique la dedans? Alors pour couper court, on nous sort le fameux et ultime krikitue …. les preuves !
Allez donc donc faire un tour sur les vases de Taussat. Je crois connaître toutes les odeurs de vase du bassin, mais celle de Taussat, sa couleur, sa texture, ici rien n’est normal, peu ou pas de varech, pas de coquillages, plus de vie, c’est la lune ici.
J'espère me tromper, mais je pense, qu'en grande partie, les vases du nord Bassin sont mortes et que cela va s'aggraver exponentiellement, on n'efface pas d’un coup de gomme des milliers de tonnes de déchets toxiques, ailleurs au coeur du Bassin et autour de l’île c’est moins alarmant.
La seule solution reste l'excavation de toutes nos anciennes décharges, c’est le moins que l’on puisse faire, pourtant, à mon sens, même si l’on excave immédiatement tous ces déchets, on ne pourra plus sauver le bassin. Mais restons prudents, avec la nature il y a des revirements exceptionnels et souvent pour nous incompréhensibles.
Bon courage
Isidore Plantey, Arès le 13 février 2012
QUI EST LE PERE PLANTEY ? C'est un parqueur d'avant guerre, né le 14/juin/1928, pêcheur d'anguilles à la foëne, il a fait des milliers de km sur les vases du bassin, il en connait beaucoup de secrets. Observateur par nature, il a vu évoluer le bassin jusqu'à nos jours, sourcier et puisatier traditionnel (ayant fait quelques milliers de puits, en eau bacteriologiquement potable bien sur), il connaît très bien l’hydrographie du sous sol. Ses observations ont la valeur de son expérience. Quand il parle des pollutions, qu'il a suivi pendant prés de quarante années, il croit savoir de quoi il parle. Les «preuves du pauvre», comme il dit , sont sa logique, son bon sens et sa raison, qui, pour lui, valent bien des preuves «scientifiques».
Nota :
Il y a les résurgences : une résurgence est une exsurgence alimentée par au moins un cours d'eau de surface identifié dont une partie ou la totalité s'infiltre dans le sous-sol par une ou plusieurs pertes. Dès lors que la perte ou le réseau hydrographique de surface communicant a été mis en évidence par la visite ou la coloration, l'exsurgence devient une résurgence.
et les exsurgences : une exsurgence est une source dont l'eau provient d'un réseau hydrogéologique endogène d'un massif, «généralement» “karstique”.
Il existe des exsurgences marines jusqu’à plusieurs dizaines de mètres de profondeur, et jusqu’à plusieurs centaines de mètres du rivage. Ces exsurgences ont parfois été utilisées par les marins comme source d'eau potable en pleine mer.
Voir aussi
http://bassindarcachon.com/crii_du_kayok.aspx?id=57 - http://www.sepanso.org/