La chimie, vaporisée au-dessus de nos têtes pour tuer quelques moustiques, est-elle bien compatible avec la vie aquatique et marine du Bassin d'Arcachon ? Je vous laisse deviner .. En tout cas, nos élus ne pourront pas dire "on ne savait pas" et nous non plus d'ailleurs.
P.RANSINAN
Lettre à Mr le Préfet du 26 mai 2010
Monsieur le Préfet,
Nous avons appris que, par arrêté, vous avez cette année délivré l’autorisation de faire un emploi élargi de deltaméthrine pour la démoustication, entre autres dans plusieurs communes du pourtour du Bassin d’Arcachon.
Or, ainsi que le mentionne sa fiche toxicologique, la deltaméthrine est violemment toxique pour les organismes aquatiques ; le produit est de nature à entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique et, ce, même à très faibles doses.
L’extrême sensibilité des invertébrés à la deltaméthrine, notamment les Ephéméroptères et surtout les crustacés, est démontrée. A ce propos, l’étude 2007 de l’IFREMER1 sur les biocides présents dans le Bassin d’Arcachon souligne également la forte toxicité de cette famille insecticide des pyréthrinoïdes pour les crustacés marins.
Le taux d’absorption de la deltaméthrine par l’animal est élevé (90% chez le Rat, par exemple) ; le produit est toxique par ingestion, par inhalation, par contact cutané.
L’impact ne peut qu’être décuplé du fait de l’époque de traitement, laquelle coïncide avec la pleine expansion de la vie et de la reproduction dans les zones humides : larves d’insectes, sangsues, batraciens, reptiles, poissons, mammifères…
La proximité de la Mer, le continuum entre la trame bleue terrestre et la trame bleue marine, l’influence du bassin versant sur la qualité des eaux marines doivent également être pris en considération et motiver de grandes précautions quant aux produits chimiques qui y sont déversés.
De même, doit être pris en compte l’objectif de la Directive Cadre sur l’Eau d’atteindre au bon état écologique des eaux.
Pourtant, le traitement au Bacillus thuringiensis israelensis, produit de moindre impact est, lui-même, depuis ces dernières années, mis en question quant à sa justification, à sa pertinence, à ses impacts sur les chaînes alimentaires et, donc, à ses conséquences écologiques. Il s’agit, ainsi que le soulignait un article de presse de février 20082, « de situer la frontière entre la nécessité et une demande qui pourrait être de pur confort.»
Les sollicitations de traitement anti-moustiques ne peuvent que s’accroître, du fait du développement constant de l’urbanisation et du tourisme aux abords des zones humides et de l’afflux de populations nouvelles, peu accoutumées à la présence du Moustique.
La même question se pose quant aux traitements herbicides au glyphosate qui, dans certains cas, perdurent alors qu’un processus de réduction des phytosanitaires est mis en oeuvre pour la protection des écosystèmes et la santé-même des personnels communaux, et alors que des alternatives existent.
Qu’il s’agisse d’insecticides ou d’herbicides, il est, comme vous le savez, de la plus haute importance de réduire considérablement les pollutions des écosystèmes terrestres, des eaux douces et des eaux marines et notamment l’emploi des biocides les plus redoutables. C’est pourquoi nous espérons vivement que ces produits cesseront très rapidement, et définitivement, d’être utilisés.
Dans cette espérance, nous vous prions, Monsieur le Préfet, de croire en l’expression de notre très haute considération.
Pour Bassin d’Arcachon Ecologie, la présidente, Françoise Branger.
Copie : Monsieur le Sous-Préfet du Bassin d’Arcachon
Monsieur le Président du Conseil Régional d’Aquitaine
Monsieur le Président du Conseil Général de la Gironde
Monsieur le Directeur de la DREAL Aquitaine
Monsieur le Président du Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon
Madame la Déléguée Régionale du Conservatoire de l’Espace Littoral et des Rivages Lacustres
Madame l’Animatrice du SAGE Leyre, cours d’eaux et milieux associés
Madame l’Animatrice du SAGE des Etangs littoraux de Born et Buch
Madame la Chef de la mission d’étude d’un Parc Naturel Marin du Bassin d’Arcachon
PS : extrait rapport de l'IFREMER en 2004, concernant la mortalité du naissain : "un déficit de nourriture pour les larves peut-être lié à des concentrations en herbicides dans les eaux du Bassin"