28/01/2019 Mise à jour
En prélude aux informations ci-dessous concernant la décharge d'Audenge (dont la plus grande partie des lixiviats s'écoule toujours dans le Bassin), voici l'alerte supplémentaire d'une scientifique, une pollution qui va s'ajouter aux autres et impacter directement le Bassin d'Arcachon dans les années à venir :
Nathalie Gontard est directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). À Montpellier, elle travaille au sein de l’unité « Ingénierie des agropolymères et technologies émergentes » sur les questions liées au plastique, au bioplastique et à la bioéconomie circulaire.
« Sud Ouest Dimanche » Qu’est-ce que le plastique ?
Nathalie Gontard C’est un polymère, une molécule composée d’un collier de monomères (NDLR : des molécules simples). Dans le cas du plastique, le monomère est issu de la chimie du pétrole : c’est l’éthylène. Il est transformé en polyéthylène, le plastique de base. En adjoignant des groupements différents à ce polymère de départ, on obtiendra d’autres plastiques. Par exemple : du polyéthylène téréphtalate, le PET des bouteilles.
La production mondiale de plastique aurait augmenté de 8,4 % en rythme annuel depuis un siècle. Pourquoi une telle envolée ?
Parce que le plastique est fantastique… Il a des propriétés extraordinaires qui justifient son utilisation et, surtout, son coût est très faible. Sa compétitivité s’explique par le fait que ses méfaits sur l’environnement et sur les générations à venir ne sont pas pris en compte dans la définition de son prix.
Peut-on remplacer le plastique ?
Il y a des centaines de plastiques qui varient par leurs compositions chimiques et par leurs propriétés. La palette des domaines d’application est énorme. Il faut regarder au cas par cas mais on ne trouvera pas le matériau unique qui va remplacer tous les plastiques. Paradoxe, cette famille de matériaux partage le même inconvénient environnemental : ils se dégradent en particules fines qui contaminent les milieux naturels.
Comment éviter cet inconvénient majeur ?
Je suis un peu en colère contre les campagnes de communication qui émanent de l’Union européenne, comme du gouvernement français, et qui font du « 100 % recyclage » l’objectif à atteindre. Les autorités se cachent derrière le petit doigt du recyclage, alors qu’il faudrait commencer par réduire très significativement la consommation. Il est irresponsable de présenter le recyclage comme la solution qui va résoudre le problème de nos déchets plastique.
Pour quelle raison ?
Il n’y a que deux issues possibles pour un plastique vierge. En fin de vie, il peut être incinéré, ce qui dégage du CO2, un gaz qui contribue au réchauffement climatique. Ou alors, il finit en déchet dégradé en particules fines, ce qui contribue à la pollution. Il n’y a pas de bonne solution. Je ne dis pas qu’il faut cesser nos efforts sur le recyclage mais, s’il n’aboutit pas à la diminution de la production mondiale de plastiques vierges, il ne sert à rien. Or, l’augmentation de la production mondiale de plastique ne cesse elle-même… de croître.
Est-ce à dire que le plastique n’est pas réutilisable à l’infini, comme le verre ou le métal ?
On parle de recyclage du plastique sans définir les mots ni informer des limites du processus. Techniquement, on ne sait pas recycler le plastique à l’infini. Il peut être réutilisé deux ou trois fois selon les plastiques, guère plus, car le polymère se dégrade. Le « vrai » recyclage consisterait à reproduire, à l’identique, le matériau d’origine. On s’en rapproche avec le recyclage mécanique des bouteilles de plastique en PET, dont on élimine les contaminants volatils et qu’on mélange ensuite avec du PET vierge pour refabriquer des contenants. C’est le seul cas.
Pourquoi ne recycle-t-on pas les autres objets en plastique ?
Pour recycler les plastiques, il faudrait savoir les séparer. Or ils sont mêlés dans le produit d’origine. Les trois quarts des barquettes que vous jetez sont multicouches, elles agglomèrent différents plastiques. Tous ces objets ne sont absolument pas recyclables. Et quand ils le sont, on les emploie parfois pour remplacer des éléments naturels en pierre ou en bois – des revêtements de surface par exemple. Ce qui est aberrant.
« Il est irresponsable de présenter le recyclage comme la solution »
Les déchets marins sont-ils les plus graves pour l’environnement ?
Ils ne représentent que 3 % du total, presque tout le reste stationne dans les sols. C’est temporaire. La mer sera leur destination finale. Quand les plastiques se seront suffisamment délités, leur taille minuscule provoquera leur migration vers le milieu marin. On le voit déjà avec les fibres textiles qui, à plus de 75 %, sont constituées de substances plastiques – les tissus synthétiques, on a tendance à l’oublier ! – et qui partent au lavage. Ce phénomène s’opère de façon plus lente pour les plastiques enfouis dans les sols. On ne s’en aperçoit pas encore puisque nous consommons ce matériau en quantités importantes depuis cinquante ans seulement. Il lui faut cent à deux cents ans pour se dégrader. On commencera à constater une libération massive de particules fines de plastique dans notre environnement dans une centaine d’années.
C’est une bombe à retardement…
C’est un peu ça. Une bombe à retardement qui n’a pas explosé. On devrait pouvoir la désamorcer si on en a la volonté.
Comment ?
Il va être difficile de traiter les plastiques déjà dispersés dans l’environnement mais il est parfaitement envisageable d’aller chercher ceux qui sont déposés dans les stations d’enfouissement. On en consomme à peu près 60 kilogrammes par personne et par an au niveau planétaire. On estime qu’avec ceux enterrés sous nos pieds, on dispose de l’équivalent de vingt ans de consommation.
Pourra-t-on extraire les plastiques du milieu marin ?
C’est la grande question. Je suis bien incapable d’y répondre. D’où l’urgence qu’il y a à utiliser les déchets qui sont encore à terre pour ne pas les laisser partir en mer à leur tour.
Le plastique rentre-t-il dans la chaîne alimentaire ?
C’est démontré. Une étude met en évidence la contamination par des micro-particules de plastique de 83 % des eaux du robinet aux États-Unis. On retrouve aussi du plastique dans le miel, dans le sel, dans les produits de la mer… Pour le moment, les teneurs sont assez faibles mais ça risque fort de s’aggraver.
Ce matériau est-il le marqueur de notre époque ?
Oui, c’est le marqueur le plus évident du changement de nos mo des de vie après-guerre. Et de la société de consommation qui en est le résultat. Contrairement au réchauffement climatique, dont les gens ont du mal à cerner les conséquences tangibles – ce qui les conduit à douter –, le plastique est bel et bien là, sous nos yeux. On peut déjà dater les sols en fonction de la présence et de la nature des plastiques qu’on y trouve. Source SudOuest Dimanche 27 janvier 2019.
Audenge : la 2 ième plus grande décharge d'Aquitaine au bord du Bassin d'Arcachon !
ça va faire mal ! On annonce 100 000 tonnes de déchets illégaux, des malversations, des bakchichs et des « enveloppes » dans l'affaire de la décharge d'Audenge. La sinistre décharge qui depuis 30 ans enfouit ses horreurs dans le bassin versant du Bassin d'Arcachon, la perle touristique d'Aquitaine, plus grand centre reproducteur d'huîtres d'Europe, nurserie pour toute la faune atlantique.
La justice doit sévir en tenant compte du pire à venir : le jus de ces décharges, le lixivat, qui continue à se répandre dans le Bassin via les nappes d'eau superficielles dans lesquelles la décharge baigne, très probable responsable de la mortalité des zostères et de celle du naissain, et ça c'est le pire.
P.RANSINAN pour Bassindarcachon.com
"L'administration [en] a permis l'exploitation en toute impunité" clame l'association Aquitaine Alternatives.
L'association Aquitaine Alternatives envisage d'engager une action en responsabilité contre l'État. Son président, Dominique Nicolas, dénonce « le comportement » des pouvoirs publics. (aquitaine.alternatives@gmail.com)
Au début, il n'y avait qu'un simple dépôt d'ordures ménagères à Audenge ?
Dominique Nicolas. Sa création remonte à 1974. À l'époque, cette autorisation avait été délivrée par la préfecture à titre temporaire, à la vue du rapport hydrogéologique du professeur Alvinerie. La nappe phréatique étant à une profondeur de 1,70 m, l'universitaire avait préconisé de ne pas creuser à plus de 1,50 m. On reste confondu devant une telle recommandation. Le sous-sol sableux est une véritable passoire et la nappe n'est pas statique.
Elle se déplace lentement, vers le bassin d'Arcachon, distant de moins de 2 km en transportant les pollutions. Jusqu'à la fermeture de la décharge en 2007, il sera procédé à l'enfouissement des ordures à plusieurs mètres de profondeur, directement dans la nappe.
Quand est-ce que la situation a commencé à dégénérer ?
À partir de 1995, le nouveau maire, Francis Gadou et son Conseil municipal, ont transformé le site en un énorme « aspirateur à déchets ». L'enfouissement des résidus de broyage automobile a été confié à la société Decons, celui des déchets ménagers au groupe MBS-Edisit. L'administration a permis l'exploitation de cette décharge de se poursuivre pendant des années dans des conditions désastreuses en toute impunité. Chaque fois que l'inspecteur de la Ddass était alerté, il trouvait une bonne raison pour ne pas se déplacer rapidement.
Que constatiez-vous ?
Il suffisait de se poster à proximité de l'entrée pour noter qu'une bonne partie des camions ne passait pas sur le pont-bascule. Certains arrivaient de nuit tous feux éteints. Des tonnages importants n'étaient pas comptabilisés.
Des déchets strictement interdits étaient également enterrés : amiante, résidus hospitaliers rebuts toxiques industriels… L'association des riverains avait réussi à obtenir les bordereaux de transport de certains de ses déchets. Lorsque ces documents ont été présentés au sous-préfet et à l'exploitant, ce dernier a répondu qu'une secrétaire avait commis une erreur dans le code affecté aux déchets.
En 1998, nous avons bloqué le site pour protester contre ces pratiques. Le préfet n'a pas hésité à envoyer un escadron de gendarmerie pour nous déloger.
Et la décharge a encore pris de l'ampleur ?
Sa capacité d'accueil a été portée à 170 000 tonnes par an. En quelques années, elle est devenue la seconde décharge d'Aquitaine. Plusieurs arrêtés préfectoraux illégaux, dont nous avons obtenu l'annulation par le tribunal administratif, ont permis la création d'un centre de tri, d'une plate-forme de compostage de déchets verts, mais aussi la réception d'amiante et des mâchefers issus d'usines d'incinération. Et tout cela sans aucune procédure d'enquête publique. C'est pratiquement un fait sans précédent en France. Le Bassin a hérité d'un cadeau empoisonné pour 30 ans. Certaines des saloperies enterrées à Audenge poseront un jour ou l'autre problème.
Pourtant, la décharge était surveillée ?
Les conclusions du professeur Alvinerie, l'expert mandaté par la commune, étaient toujours rassurantes alors même que certains relevés paraissaient très inquiétants. Le professeur a ensuite conseillé au maire de prendre, en 2001, un de ses élèves et disciples à Bordeaux 1 comme hydrogéologue de la commune.
Jamais les pollutions générées par l'exploitation calamiteuse du site ne seront dénoncées. Sur place, divers stratagèmes seront utilisés. On bidouillera les piézomètres, les rapports d'analyse…
À qui la faute ?
L'ancienne municipalité d'Audenge porte une lourde responsabilité. Mais cette décharge arrangeait aussi les affaires des élus qui n'avaient pas réussi à imposer un incinérateur sur le Bassin. Qu'ils soient de droite ou de gauche, beaucoup d'entre eux ont préféré fermer les yeux. En 2001, Aquitaine Alternatives avait déposé une plainte d'une centaine de pages. Le juge d'instruction n'a pas voulu enquêter. Il a rendu un non-lieu en nous disant : « je vous félicite quand même, votre plainte a obligé la mairie à améliorer la gestion de cette décharge » ! Le procès qui vient d'avoir lieu démontre la véracité de toutes les preuves que nous apportions à l'époque.
Comment expliquer cette cécité ?
Le comportement de l'administration, de certains élus et de différents acteurs, ne pouvait s'expliquer que par de la corruption passive et active. Le procès actuel tend à le démontrer. Nous envisageons à nouveau de déposer plainte et d'engager une action en responsabilité contre l'État, dont l'attitude est inadmissible. Au moment où la nouvelle municipalité d'Audenge décidait de prendre le taureau par les cornes, le sous-préfet lui adressait une mise en demeure de réhabiliter la décharge. Coût de l'opération : 20 millions d'euros. La commune n'a pas les moyens d'assumer seule. L'administration préfectorale, feignant d'ignorer ces carences inexcusables, tente de reporter la faute sur ceux-là mêmes qui, courageusement, ont fait leur campagne électorale pour la fermeture du site.
ACTE 1, mardi 14 septembre 2010
100 000 tonnes de déchets fantômes à Audenge
Entre 2006 et 2008 près de 100 000 tonnes de déchets ont été enfouies clandestinement par des dirigeants du groupe Edisud. Ils sont poursuivis pour escroquerie et corruption. Les largesses du groupe de Maurice Lecuyer sur le bassin d'Arcachon ont déclenché l'ouverture d'une enquête
En cédant en 2008, le groupe Edisit qu'il avait constitué à la force du poignet dans le monde sans pitié de la collecte des déchets, Maurice Lecuyer croyait partir avec le gros lot. En changeant de mains, ses 28 sociétés devaient lui rapporter 27 millions d'euros. Non seulement la manne escomptée s'est brutalement évaporée mais la justice a rattrapé par le col cet autodidacte madré, au CV vierge du moindre diplôme, qui avait commencé à travailler à l'âge de 14 ans.
Escroquerie et corruption
Patrick Dauvin, le PDG de la société Ulysse, créée par d'anciens cadre de Veolia et de la Sita, croyait pourtant avoir fait une bonne affaire en reprenant les sites girondins et palois du petit empire de Maurice Lecuyer. Il n'imaginait pas quelques mois après avoir pris ses quartiers dans le Sud-Ouest, qu'il devrait liquider une partie de ses acquisitions et surtout dénoncer au procureur de Bordeaux les graves anomalies découvertes dans la gestion de la galaxie Lecuyer.
Celles-ci ont pour noms « escroquerie, exploitations non autorisées d'installation classées pour la protection de l'environnement et corruption active et passive ». À des degrés divers, elles sont reprochées à Maurice Lecuyer, à sa fille Sophie à son gendre Marc Belves et à Mamadou Dia, un docteur en géologie formé par l'université de Bordeaux et recruté comme responsable de l'environnement par l'ancien maire d'Audenge, Francis Gadou. Les mis en cause sont jugés par le tribunal correctionnel de Bordeaux.
Des « big bags » d'amiante éventrés, des casiers non recouverts, une benne radioactive dont personne ne veut s'occuper pendant des mois, une torchère censée brûler les gaz en panne, la décharge de Lacanau de Mios, située en pleine zone Natura 2000, encombrée par des immondices interdits, les déchetteries de Lanton, Andernos et Lège qui bousculent leurs clôtures…
100 000 tonnes à l'as
« L'administration n'a rien vu pendant des années, déplore Me Christophe Dejean, le conseil de la société Ulysse. Une défaillance incompréhensible qui sera à l'origine de fraudes de grande ampleur. » Destiné à accueillir les déchets industriels, le centre d'enfouissement technique d'Audenge était le talon d'Achille d'Edisud, le pôle méridional du groupe. Bien avant l'arrivée de Maurice Lecuyer dans le paysage, le site n'avait pas bonne presse. Ce fut pendant plus de vingt ans le lieu de relégation de toutes les saletés du bassin d'Arcachon. Relooké et devenu une plateforme de stockage de rebuts industriels, il n'a pas pour autant gagné en transparence. Selon les recoupements effectués par les agents des douanes, entre 2006 et 2008, près de 100 000 tonnes de déchets ont été enterrées ici dans la plus parfaite clandestinité.
« Il fallait tenir »
En 2006, à la suite d'un appel d'offres mouvementé, Edisud avait emporté l'appel d'offres relatif à la collecte des ordures ménagères de la Communauté de communes du nord Bassin (Coban). Pour devancer Veolia et la Sita, Maurice Lecuyer avait cassé les prix, n'hésitant pas à passer sous le seuil de rentabilité. Suicidaire. « Le maire nous avait demandé de la faire dans l'espoir de convaincre les élus de nous confier la gestion du second centre d'enfouissement qu'il envisageait de créer », avance-t-il à la barre.
Il fallait tenir. Pour ce faire Edisud majorait les tonnages ramassés qu'elle facturait à la Coban. Mais elle trichait surtout à Audenge. « Les pesées étaient minorées de 50 %. C'est ce qui résulte des témoignages de plusieurs salariées », relève la présidente du tribunal Caroline Baret. Une dissimulation qui allégeait singulièrement les charges du groupe qui devait acquitter sur chaque tonne la taxe générale sur les activités polluantes.
À l'ancienne
Désormais à la retraite, Maurice Lecuyer se défend d'avoir pourtant donné la moindre consigne en ce sens. Mais il ne convainc guère. Assise à ses côtés, sa fille, une ancienne professeur de danse, gestionnaire pendant deux ans du site d'Audenge, ne le suit pas dans son déni.
« J'ai poursuivi le système en croyant bien faire. J'ai fait confiance à mon père. Tout le monde était content. 800 familles ont bien vécu pendant des années sur nos sociétés. »
Méthodes pittoresques
Cette gestion à l'ancienne mâtinée de paternalisme, de relations ambiguës avec les élus et l'administration et de débrouillardise ne pouvait pas perdurer. Devenue le maître mot de la collecte des déchets, la traçabilité ne pouvait pas s'accommoder des méthodes pittoresques d'un groupe ou nul ne songeait par exemple à remédier à la panne du logiciel qui permettait d'enregistrer le poids des chargements.
Le procès se termine aujourd'hui avec les réquisitions du parquet et les plaidoiries de la défense.
Petits cadeaux, gros 4X4 et retraits en espèces
Commercial dans l'âme, Maurice Lecuyer savait manifestement amadouer les personnes susceptibles de contrôler ses activités. Un agent de la Ddass (Direction départementale des affaires sanitaires et sociales) a ainsi bénéficié de quelques largesses apparemment incompatibles avec son statut de fonctionnaire. Rien ne permet d'affirmer que le technicien chargé de l'analyse des eaux sur le site d'Audenge a été « arrosé ». Reste qu'on ne comprend pas trop pourquoi il minorait les chiffres susceptibles de révéler des pollutions lorsqu'il établissait ses relevés.
« Universités d'été »
Poursuivi pour corruption passive, Mamadou Dia, l'ancien responsable de l'environnement de la commune d'Audenge, n'est pas le seul à s'étonner « qu'on cherche le mal là ou il n'existe pas ». Le scientifique passait chaque jour plusieurs heures au centre d'enfouissement. Il ignorait qu'on truquait les pesées. Une cécité que ses détracteurs rattachent au 4X4 offert par Edisud.
Le groupe, qui lui avait aussi octroyé un portable, lui commandait aussi des rapports pour étudier les sols des sites qu'il prospectait. À deux reprises, Mamadou Dia a eu droit à ce qu'il appelle joliment des « universités d'été ». Deux voyages tous frais payés en Croatie et dans son pays natal, le Sénégal où Maurice Lecuyer espérait alors s'implanter. « À Dakar, ma tante était ministre de l'Environnement », précise l'ancien fonctionnaire territorial que le nouveau maire d'Audenge s'est empressé de congédier au lendemain de son élection.
Une élue mise en cause
Maurice Lecuyer reconnaît du bout des lèvres quelques cadeaux, quelques bouteilles de vin ou de champagne offertes au moment des étrennes. Une pratique courante dans le monde des affaires. « Mais je n'ai jamais versé d'enveloppe », se défend l'ancien PDG.
Enquête en cours
Sophie Lecuyer
Quelques minutes plus tôt, la présidente du tribunal Caroline Baret a pourtant cité le témoignage de sa propre fille. Pendant sa garde à vue, Sophie Lecuyer a fait état de retraits d'espèces. Elle a aussi mentionné une enveloppe remise à la sénatrice UMP Marie-Hélène des Esgaulx (1).
Vraisemblablement pour le financement de ses activités politiques. « Elle devait soutenir mon père et parler favorablement aux autres élus du Bassin de la création du second centre d'enfouissement », avait alors confié la jeune femme aux enquêteurs. À la barre, Sophie Lecuyer est beaucoup moins disserte. Mais elle ne revient pas sur ses dépositions initiales.
Une boîte de Pandore ?
Son témoignage et quelques autres ne sont sans doute pas tout à fait étrangers à l'enquête policière lancée discrètement, il y a quelques mois, pour des faits éventuels d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux. La décharge d'Audenge dissimule peut-être une boîte de Pandore.
(1) Nous avons laissé hier soir deux messages sur le portable de Marie-Hélène des Esgaulx dans le but de recueillir sa réaction. Mais elle ne nous a pas répondu.
ACTE 2, mercredi 15 septembre 2010
Décharge d'Audenge : Sévères réquisitions
Trois ans dont deux avec sursis requis à l'encontre de Maurice Lecuyer, le PDG du groupe Edifi qui gérait le centre d'enfouissement d'Audenge, 18 mois dont huit avec sursis à l'égard de Mamadou Dia, le géologue chargé par la commune de la surveillance du site. Les infractions au Code de l'environnement donnent rarement lieu au prononcé de peines de prison ferme. Pourtant hier matin, la procureur Marianne Domenach n'a pas hésité à réclamer de la détention pour deux des quatre personnes poursuivies à des degrés divers pour escroquerie, exploitation d'installations classées sans autorisation et corruption active et passive (lire notre édition d'hier). « L'institution judiciaire ne peut pas rester sans réagir devant un tel scandale environnemental et économique », a expliqué la magistrate au terme d'une démonstration solidement charpentée. (1)
Préjudices importants
La sévérité des réquisitions s'explique par l'importance des préjudices avancés voire supposés pour certains d'entre eux. La Communauté de communes du nord bassin (Coban) est de fait incapable de chiffrer pour l'instant le montant des surfacturations pratiquées lors du ramassage des ordures ménagères. Si la ville d'Audenge sait que le montant des taxes éludées du fait de la dissimulation des tonnages l'expose à un redressement douanier de près de 800 000 euros, elle ignore toujours quel sera le coût définitif de la dépollution de l'ancienne décharge définitivement fermée en 2007. Il pourrait être prohibitif. La seule expertise versée au dossier concerne le site de Lacanau-de-Mios exploité lui aussi par le groupe Lecuyer mais beaucoup plus petit. La remise en état de ce dépotoir à ciel ouvert a été estimée à 5 millions d'euros.
La défense vent debout
Déchets non déclarés, stockages illicites à Saint-Loubès, déchetteries professionnelles hors-la-loi à Lanton, Andernos et Lège… Le parquet a sérieusement chargé la barque des prévenus. Me Benoît Ducos-Ader, l'un des conseils de Maurice Lecuyer se dit « désabusé ». Son associé Me Arnaud Dupin peste contre « une justice expéditive » qui le relègue au rang de spectateur impuissant. Les avocats sont unanimes à dénoncer une procédure où les droits de la défense ont été tenus sous le boisseau pendant la phase d'enquête conduite sous l'autorité du parquet. « À aucun moment, nous n'avons pu intervenir ou formuler des demandes d'actes », déplore Me Jean Gonthier. « Il est inadmissible de ne pas être passé par un juge d'instruction tonne Me Ducos-Ader. Il n'y a eu ni confrontation, ni débat contradictoire. Rien n'est démontré dans ce dossier. »
Les investigations ont débuté à la suite d'une plainte déposée par Patrice Dauvin, le fondateur de la société Ulysse qui a repris le groupe Lecuyer (2). Les griefs reprochés par l'accusation se fondent notamment sur des procès-verbaux dressés par les agents de la Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire), plusieurs mois après le retrait des dirigeants du groupe Lecuyer. Plusieurs anciens salariés des sites concernés reprochent aux responsables d'Ulysse d'avoir procédé à des dépôts illégaux sur des zones souvent polluées de longue date. À qui attribuer la paternité de ces ordures qui n'avaient rien à y faire ? « Rien n'est matérialisé », relève Me Arnaud Dupin.
Quid du juge d'instruction
À Bordeaux où les instructions sont souvent interminables, le choix effectué par le parquet a eu le mérite de la rapidité. Au mépris du droit selon la défense. « Mes clients sont poursuivis au titre de dirigeants. Or ils n'ont pas cette qualité. Ils sont simplement directeurs d'agence », relève Me Jean Gonthier, le conseil de Sophie Lecuyer et de Marc Belves, la fille et le gendre du fondateur du groupe. Les avocats ont tous demandé la relaxe ou à tout le moins la réouverture d'une véritable enquête à charge ou à décharge. Le tribunal présidé par Caroline Baret rendra sa décision le 18 octobre à l'issue d'un délibéré qui ne fera sans doute pas l'économie du débat actuel sur les avantages et les inconvénients de la suppression du juge d'instruction.
(1) Vingt mois et un an de prison avec sursis ont été requis contre Sophie Lecuyer et son mari Marc Belvès. Le parquet a demandé aussi des peines d'interdiction de gérer pendant cinq ans contre les membres de la famille Lecuyer. (2) Ancien PDG du groupe Sita France (Groupe Suez Environnement) Patrice Dauvin vient d'être renvoyé pour abus de biens sociaux devant le tribunal correctionnel de Nanterre à la suite d'une plainte déposée par son ex-employeur.
Des Esgaulx : « Une accusation sans fondement »
Marie-Hélène des Esgaulx s'apprête à déposer plainte pour dénonciation calomnieuse
Marie-Hélène des Esgaulx - Sénatrice et mairesse de Gujan-Mestras - Photo Vidéo Senat
Plusieurs des élus du Bassin savaient qu'elle était mise en cause mais ils s'étaient apparemment bien gardés de la prévenir. C'est à la lecture de « Sud Ouest » que Marie-Hélène des Esgaulx a appris que Sophie Lecuyer, l'ancienne responsable du centre d'enfouissement d'Audenge avait affirmé, lors de l'enquête ordonnée par le parquet de Bordeaux qu'elle lui avait fait parvenir une enveloppe. Le choc a été rude. « Je vais déposer plainte pour dénonciation calomnieuse. Cette accusation est sans fondement, s'indigne la sénatrice UMP. Je n'ai jamais reçu d'enveloppe. Je ne connais pas cette personne. Je ne l'ai jamais rencontrée. Je ne comprends pas pourquoi on en parle au tribunal alors que je n'ai jamais été interrogée. »
« On cherche à me salir »
Marie-Hélène des Esgaulx cherche des explications à « cette dénonciation sans le moindre commencement de preuve ». Vengeance ? Règlement de comptes ? « On cherche peut-être à me salir parce que je me suis toujours prononcée pour la fermeture du site. Je n'hésitais pas à dire qu'Audenge était la poubelle du Bassin. J'étais peut-être gênante. Au sein du Syndicat intercommunal du bassin d'Arcachon, j'ai accepté qu'on débloque des fonds pour la sécurisation du site mais je me suis toujours opposée au financement de sa remise en état. Ce sont aux pollueurs de payer », souligne l'élue tout en précisant qu'elle ne participe jamais aux commissions d'appels d'offres.
ACTE 3 - Mercredi 20 octobre 2010
On le sait : l'installation de l'homme dans les zones naturelles sensibles est un danger pour l'éco-système et donc pour lui-même.. et le Bassin en est un au plus haut point (huîtres, hippocampes, nurserie à poissons, champs de zostères, oiseaux migrateurs..). Nos élus, toujours pas résolus a en stopper l'urbanisation, en sont conscients : le travail du SIBA est d'une grande importance et chacun, avec ses impôts, y participe. Alors quand des gougnafiers sabordent tous ces efforts, on attend naturellement que la justice dans son jugement en tienne compte et on l'espère encore.. réponse en juin 2011. Si les choses devaient en rester là, l'injustice serait totale et les lixiviats continueraient à empoisonner notre territoire jusqu'à sa fin.
P.RANSINAN
Une décharge vraiment très peu contrôlée
L'ancien exploitant de la 2e décharge d'Aquitaine écope de 18 mois de prison avec sursis pour escroquerie et exploitation d'installations sans autorisation.
Fermée en 2007, la décharge d'Audenge a bénéficié de la mansuétude des services de l'État.
PHOTO ARCHIVES LAURENT THIEILLET
En 1974, lors de son ouverture, il s'agissait d'une petite unité de stockage destinée à accueillir les ordures ménagères des communes du bassin d'Arcachon. Trente-trois ans plus tard, au moment de sa fermeture, la plate-forme d'Audenge accueillait la deuxième décharge d'Aquitaine. Près de 170 000 tonnes de déchets de toute nature y étaient déversées chaque année. Dans des conditions qui ont conduit hier le tribunal correctionnel de Bordeaux à prononcer 18 mois de prison avec sursis et 50 000 euros d'amende à l'encontre de Maurice Lecuyer. Le PDG du groupe Edifi, l'ancien exploitant du centre d'enfouissement technique et de divers autres sites en Gironde et en Béarn, a été reconnu coupable d'escroquerie et d'exploitation d'installations classées sans autorisation (1).
Aspirateur à déchets.
Stockages illicites, extensions illégales de déchetteries, convoyages clandestins : le groupe Edifi collectait des rebuts de toute nature sans trop se soucier du respect des normes et des règles en vigueur. À Audenge, où une benne radioactive stationnera pendant des mois sans que personne ne s'en préoccupe, ce laisser-aller prenait des proportions considérables. Selon les évaluations des agents des Douanes, entre 2006 et 2008, près de 100 000 tonnes d'immondices ont franchi le portail de la décharge sans être enregistrées.
Amiante, mâchefers d'usines d'incinération, résidus hospitaliers, rebuts industriels… Sans que les élus de droite et de gauche ne s'en offusquent véritablement, le site était devenu un véritable aspirateur à déchets. En trichant sur les pesées, le groupe Edifi boostait son chiffre d'affaires. Plus il minorait les quantités déclarées, plus les montants acquittés sur chaque tonne au titre de la taxe générale sur les activités polluantes étaient faibles.
Complaisance de l'État.
Le tribunal correctionnel a relaxé hier Maurice Lecuyer, sa fille Sophie et Mamadou Dia, l'ancien responsable de l'environnement de la commune d'Audenge, des poursuites pour corruption dont ils avaient aussi fait l'objet. Les deux premiers avaient mis à la disposition du troisième, chargé de la surveillance du site, une voiture de fonction et un abonnement téléphonique. Ils l'avaient invité en Croatie et au Sénégal pour prospecter des marchés. Ils le rémunéraient aussi pour réaliser diverses études de sols.
Même si le tribunal a considéré que « ces attentions » ne relevaient pas de la corruption, elles s'inscrivaient dans un contexte local assez particulier. Plusieurs témoignages ont incité le parquet de Bordeaux à ouvrir par ailleurs une enquête pour d'éventuels abus de biens sociaux. De façon à déterminer si les dirigeants du groupe n'ont pas usé de moyens répréhensibles pour s'attacher divers soutiens. Au cours de ces quinze dernières années, les exploitants de la décharge d'Audenge ont bénéficié d'une étonnante mansuétude de la part des services de l'État. À plusieurs reprises, riverains et associations de protection de l'environnement ont tiré le signal d'alarme, dénonçant notamment l'entrée nocturne de camions tous feux éteints. Sans résultat. Et au fil des ans, la décharge est montée en puissance sans que les pouvoirs publics ne tiennent compte de l'annulation répétée par le tribunal administratif des arrêtés préfectoraux d'extension pris, fait quasiment sans précédent en France, sans aucune procédure d'enquête publique.
(1) Dirigeants du groupe, sa fille et son gendre ont été condamnés à 20 000 et 10 000 euros d'amende.
Tout n'a pas été jugé dans l'affaire du CET
Pour les parties civiles, la condamnation lundi de l'ancien responsable du CET n'est qu'une première étape. Les dommages et intérêts ne seront examinés qu'en juin 2011.
Après sa mise en sécurité, la réhabilitation du CET devient urgente. PHOTO S. M.
Lundi, le tribunal correctionnel de Bordeaux a reconnu l'ancien PDG du groupe Edifi, en charge de l'exploitation du Centre d'enfouissement technique (CET) d'Audenge, Maurice Lecuyer, coupable d'escroquerie et d'exploitation d'installations classées sans autorisation (notre édition d'hier).
Une nouvelle qui a été unanimement accueillie par les élus du Bassin. « Ce procès n'est qu'une partie de l'affaire », a rappelé Nathalie Le Yondre, le maire d'Audenge. « Ce procès est une étape importante mais ce n'est qu'une étape. Tout n'a pas été jugé », martèle-t-elle.
Atteintes à l'environnement.
« Constituée partie civile, notre commune a été reconnue comme victime (1). Cela signifie que nous allons pouvoir demander des dommages et intérêts. Quant aux dirigeants, ils ont été condamnés. C'est une reconnaissance du préjudice subi par notre collectivité. »
Déplorant que certaines choses soient tombées sous le délai de prescription ou qu'il existe des vices de forme dans le dossier, l'édile ne perd pas de vue le point principal. « Toutes les atteintes à l'environnement, tous les aspects financiers n'ont pas été jugés. »
Une position partagée par Bruno Lafon, le président de la Communauté de communes du Nord-Bassin (Coban) qui, également reconnue victime dans l'affaire, a acquis la nomination d'un expert.
« J'espère que ce n'est que la première étape d'une procédure qui doit remonter bien plus loin et confondre tous ceux qui ont profité du système… En tant que citoyen je suis vraiment scandalisé quand je vois ce que cela va coûter derrière… »
Des millions d'euros.
Ce que Vincent Louchez, aujourd'hui premier adjoint sur la commune d'Audenge en charge de l'environnement et porte-parole du collectif des riverains de la décharge entre 2003 et 2007, explique. « Oui, le procès donne du relief aux Audengeois qui durant des années ont vécu un cauchemar. Cela nous rend enfin justice mais en tant que gestionnaire du site ce que je constate c'est que toutes ces dérives vont coûter des millions d'euros. »
Et l'élu d'évoquer le coût astronomique de la réhabilitation du site. « Nous avons jusqu'au 6 juin 2011 pour établir le préjudice. Chose que nous n'avons pas pu faire puisque nous attendions que l'État délivre l'arrêté de travaux (2). » Lequel arrêté portera sur les travaux de réhabilitation du site notamment destinés à empêcher les eaux météorologiques de pénétrer dans les casiers et grossir la production de lixiviats.
Le « Jérôme Kerviel » du CET.
Ces travaux sont à distinguer de ceux précédemment réalisés et relatifs à la mise en sécurité du site (pour une enveloppe de 2,7 millions d'euros). Une fois le montant de la réhabilitation connu, la ville d'Audenge présentera l'ardoise devant le tribunal correctionnel le 6 juin prochain.
Un montant qu'un seul individu ne peut en aucun cas assumer seul. « C'est comme ce qui a été demandé à Jérôme Kerviel qui va payer à vie… si tant est qu'une telle comparaison puisse être faite. »
Concrètement, si la commune perçoit des dommages et intérêts il y a peu de chance qu'ils couvrent à eux seuls le montants des travaux qui restent à engager. Un nouveau tour de table suivra ainsi la communication de l'arrêté des travaux. L'héritage du CET est loin d'être soldé.
(1) Constituées parties civiles, la commune d'Audenge, la Coban et la Sepanso ont été reconnues victimes. (2) L'arrêté de travaux devrait être communiqué d'ici la fin d'année.
ACTE 4 - Mercredi 15 décembre 2010
Réhabiliter la décharge
Riverains, associations et élus ont découvert, hier, les projets de réhabilitation de l'ancien centre d'enfouissement des déchets.
«Nous avons volontairement décalé cette commission locale de surveillance (Clis) afin de présenter quelque chose qui ait du sens », a expliqué, hier matin, le sous-préfet Pascal Gauci en ouvrant cette commission locale d'information et de surveillance de la décharge d'Audenge, en présence d'élus (dont les présidents du Siba, Michel Sammarcelli, et de la Coban, Bruno Lafon), riverains et associations de défense de l'environnement.
Le maire Nathalie le Yondre et le sous-préfet Pascal Gauci. PH. B.D.
Le sous-préfet n'hésite pas à parler d'un « dossier fondamental pour le territoire ».
« C'est une étape de plus dans la gestion de ce dossier », assure le maire d'Audenge, Nathalie le Yondre qui ne s'est pas étendue, hier, sur le récent procès de l'ancien gestionnaire du centre d'enfouissement technique (CET), Edisud (1).
Après avoir géré l'urgence avec la mise en sécurité de ce site abandonné de 39 ha en trois zones, entre 2009 et 2010, pour un coût de 5,1 millions d'euros (dont 3,05 millions par la ville, 1,3 par le Siba, 0,45 par l'Ademe et 0,3 par le Conseil général), la commune veut aujourd'hui engager sa réhabilitation.
30 ans de suivi
L'étude confiée au cabinet Antea, restituée hier, a conclu à la nécessité d'engager des travaux pour éviter les infiltrations d'eau, gérer les eaux et les effluents de façon séparative, traiter les lixivias, ces « jus des déchets » (20 000 m³ par an) et biogaz avec des installations dimensionnées.
Ces travaux de réhabilitation sont estimés à 10 millions d'euros. Un suivi est également préconisé durant trente ans, pour un coût cumulé de 6,6 millions d'euros.
Le cabinet Antea a également réalisé une étude sur les risques sanitaires. Les résultats sont plutôt rassurants, même s'il ne s'agit que d'une étude qui peut, à tout moment, être complétée, voire modifiée en fonction de nouveaux paramètres. Pour l'heure, au niveau de l'exposition par inhalation, les indices sont inférieurs aux seuils indiquant un risque pour la santé. Les seuils ne sont pas non plus dépassés pour l'exposition par ingestion.
Financer les travaux
« La pollution n'a pas cessé, il faut réaliser ces travaux dans les dix ans à venir, mais Audenge ne peut pas les faire seule. Il faut trouver un financement », insiste le maire qui espère l'enclenchement de ces travaux l'an prochain.
L'État devrait mettre un peu la main au portefeuille, à travers « une intervention exceptionnelle de l'Ademe », maître d'ouvrage délégué du préfet.
Toujours est-il que si les associations de défense de l'environnement apprécient d'avoir été conviées, hier, à cette Clis, elles n'entendent pas se contenter de promesses.
Le président d'Aquitaine Alternatives, qui parle d'une « gestion calamiteuse » du CET, rappelle les mises en garde restées sans écho dès 1995.
« Les interventions des associations seront d'autant plus vigilantes à l'avenir que nous sommes méfiantes », confirme la Sepanso.
« Nous avons la volonté d'aller de l'avant, nous avons l'obligation de trouver une solution », assure Pascal Gauci qui prône une « totale transparence du dossier ».
(1) « Il existe des problèmes judiciaires, nous ne négligeons pas la recherche de responsabilités, un premier procès a eu lieu, un second aura lieu en appel » a évoqué le maire Nathalie le Yondre, « mais ce n'est pas l'urgence, l'urgence, aujourd'hui, c'est la réhabilitation du site ».
ACTE 5 - Mercredi 3 août 2011
Les élus vont payer pour réhabiliter la décharge
L'État et les trois intercommunalités s'engagent pour financer la réhabilitation de l'ancien centre d'enfouissement des déchets fermé depuis 2007.
Ils l'ont annoncé hier matin. Réunis autour du sous-préfet Pascal Gauci, les trois présidents des intercommunalités du Bassin, Yves Foulon (Cobas), Bruno Lafon (Coban) et Philippe Lacoste (Val de l'Eyre) vont participer au financement de la réhabilitation du Centre d'enfouissement technique des déchets d'Audenge (CET).
Cette « verrue », pour reprendre les mots de Bruno Lafon, a définitivement fermé ses portes en décembre 2007. La société exploitant le site pour le compte de la commune a fondu les plombs laissant le site à l'abandon. Lorsqu'elle a repris les rênes, la commune d'Audenge n'a pu que constater l'ampleur des dégâts puisque quasiment rien n'avait été fait au cours des dernières décennies (lire par ailleurs). La pollution du site ne fit plus de doute. Et l'urgence de sa remise en état non plus.
« Rien ne les y oblige »
L'ardoise se monte à 22 millions d'euros sur trente ans. L'État, via l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), financera sur trois ans et à hauteur de 9 millions d'euros les travaux liés à l'étanchéité des casiers de déchets. Ensuite, les collectivités apporteront environ 6 millions d'euros pour supprimer les lixiviats (« jus » des déchets) excédentaires. C'est là qu'interviennent les trois intercommunalités qui s'engagent sur un programme de huit ans au prorata des déchets qu'elles-mêmes ont pu apporter au CET.
À savoir près de 200 000 euros par an pour la Cobas, 150 000 euros par an pour la Coban et 13 000 euros par an pour la CdC du Val de l'Eyre. « Elles le font à titre dérogatoire car rien ne les y oblige », stipule bien le sous-préfet, en rappelant qu'à l'époque les collectivités avaient payé pour apporter leurs déchets sur le site et que, par ailleurs, les autres pourvoyeurs (Cestas-Canéjan, Saint-Jean-d'Illac, Martignas, Le Porge) seront aussi sollicités. Tout comme le Département et la Région.
Une ampleur nationale
« Seul, je ne pouvais rien faire », a résumé Bruno Lafon. « Nous agissons par solidarité », a stipulé Yves Foulon qui a souligné le « remarquable travail du sous-préfet » car « rien n'était gagné d'avance ». Pour Philippe Lacoste, après avoir rejeté le projet de la grande intercommunalité présenté par le préfet, les trois présidents illustrent là leur volonté d'avancer les coudes serrés de manière « pratique » et non pas seulement « intellectuelle ».
« Ce dossier est extraordinaire, son ampleur nationale. La situation du CET n'est plus acceptable », a résumé Pascal Gauci.
ACTE 6 - le 30 /10/2013
La BOMBE est désamorcée !
L’Ademe débute, l’an prochain, les travaux de réhabilitation de l’ancien centre d’enfouissement des déchets (CET), fermé depuis décembre 2007.
La remise en état de l’ancienne décharge d’Audenge doit débuter l’an prochain.
Les odeurs pestilentielles ont cessé. L’herbe pousse même sur les talus de ce vaste espace de 40 hectares au cœur de la forêt.
En longeant la clôture, on oublierait presque que l’ancien centre d’enfouissement technique (CET), qui a cessé toute activité en décembre 2007, reste une énorme épine dans le pied de la commune d’Audenge.
« C’est un fardeau environnemental, technique et financier, pour la commune et pour les habitants », insiste le maire (PS) Nathalie Le Yondre, qui aura consacré une grande partie de son mandat à gérer ce qu’elle qualifie de « bombe à retardement ».
Travaux jusqu’en 2016
Elle l’a redit hier après-midi à la mairie d’Audenge où se tenait une réunion d’information sur la réhabilitation et le suivi du site, à l’initiative du sous-préfet, Jean-Pierre Hamon. Une quarantaine de personnes y participaient, associations environnementales, partenaires institutionnels, élus, entreprises et services de l’État. À commencer par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), exceptionnellement chargée par l’État de se substituer à la commune pour la remise en état du site, abandonné par l’ancien exploitant, Edisit, en faillite.
Cette année, l’Ademe, maître d’ouvrage, a confié la maîtrise d’œuvre à la société Safege. Les entreprises seront choisies l’an prochain, et les travaux de réhabilitation du site pourront débuter, et se poursuivre en 2015 et 2016, selon le planning prévisionnel présenté par Philippe Begassat, chef de projet.
La commune doit payer
« Nous rentrons dans une phase opérationnelle », se félicite Nathalie Le Yondre, qui rappelle les « efforts considérables » de la commune, confrontée (dès son élection) en 2008 à la « gestion directe du site », au traitement en urgence des lixiviats (le « jus des déchets »), ainsi qu’à la nécessité de trouver 20 millions d’euros pour réhabiliter le site. Finalement, l’État, via l’Ademe, en charge de la remise en conformité, déboursera 9 M€, les collectivités partenaires (toutes les communes du Bassin ont déversé leurs déchets à Audenge) participeront au traitement des lixiviats pour 6 M€. Le reste (6,6 M€) sera encore à la charge d’Audenge, qui assurera la post-exploitation pendant trente ans. Le CET rapportait une redevance de 800 000 euros à la commune qui débourse maintenant plus d’un million par an pour l’ancienne décharge (1).
Si « la bombe est désamorcée », selon Nathalie Le Yondre, les préoccupations demeurent. « Cette année, avec les fortes pluies, on a battu des records, le volume des lixiviats est passé de 7/8 000 m3 à 10/12 000 m3 », résume Vincent Louchez, l’élu en charge du dossier. En revanche, les biogaz ont diminué de 2 400 à 1 000 m3 par heure, d’où la nécessité de redimensionner les appareils de traitement. Une dépense supplémentaire.
(1) Le courrier des maires et la revue municipale d’Audenge d’octobre consacrent, chacun de leur côté, un dossier au CET. Une visite guidée du site est organisée le samedi 16 novembre de 10 h à 13 h.
ACTE 7 - le 19 /11/2013
Porte ouverte et visite guidée, bonjour les dégâts !
Ce samedi matin, la municipalité avait organisé une visite de l’ancien CET ; une soixantaine d’Audengeois s’étaient inscrits pour cette visite, divisée en deux groupes. La première visite a été accueillie par Nathalie Le Yondre, maire, accompagnée de Vincent Louchez, élu délégué à l’environnement, Wielfried Boursiquot, directeur activités stockage de Sita Sud-Ouest, Franck Lefebvre, technicien de suivi pour Sita SUO, Nelly Guimard, attachée d’exploitation de Sita et Olivier Mulot, responsable Charente de O Vive.
En préambule à la visite menée par Vincent Louchez, Nathalie Le Yondre a expliqué que « l’arrivée sur le site de l’Ademe a été important alors que l’Ademe ne s’engage que quand les sites sont orphelins… Ce soutien est exceptionnel, 9 millions d’euros sur plusieurs années et en période de restriction budgétaire… Audenge est la deuxième décharge d’Aquitaine soit 42 hectares et le plus haut point de déchets culmine à 32 mètres… Nous allons vous faire découvrir le résultat des travaux après 5 ans (mise en sécurité, odeurs, finances…) et ce qu’il reste à faire… Aujourd’hui le début des travaux, de suivi pour une période de trente ans, est déterminé par la Dreal… Notre crédibilité et notre travail ont été reconnus, sans quoi nos partenaires ne seraient pas venus. Nous avons été très transparent sur le site, vous pourrez poser toutes les questions que vous désirez… »
Durant la visite, Vincent Louchez et les responsables Sita et O Vive ont expliqué les travaux réalisés, s’appuyant sur des panneaux informatifs montrant le CET il y a 5 ans et maintenant de visu, répondant à toutes les questions : « protection des déchets dans les casiers, récolte des lexiviats… et l’impactation de la nappe phréatique » ; à cette interrogation, Vincent Louchez explique : « Les études engagée dès la prise en compte du site étaient plutôt positives… La nappe actuellement serait impactée à 200 mètres autour du site… Une étude est menée pour déterminer l’étendue de la pollution des prélèvements tous les trimestres… »
En fin de visite, le responsable d’O Vive a expliqué le fonctionnement de la station de traitement des lixiviats en présentant quatre échantillons à des stades différents montrant dans le premier une eau très noire et dans le dernier une eau, représentant l’eau rejetée, tout a fait claire.
ACTE 8 Début des travaux de réhabilitasion 9 ans apres !
Source journal Sud-Ouest du 18/01/2016
2016 va marquer un nouveau tournant décisif dans l'évolution de la gestion du site, a expliqué dimanche matin lors de ses vœux à la population Nathalie Le Yondre, la maire socialiste d'Audenge. Et je peux me féliciter de l'évolution très favorable de ce dossier.
9 millions d'euros
Depuis 2011, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a été mandatée, à titre exceptionnel, par l'Etat pour se substituer à la commune pour la remise en état du site. Mais les choses avancent lentement dans ce dossier aussi complexe qu'épineux : « Depuis maintenant trois ans, a assuré l'élue, l'Ademe et la commune d'Audenge préparent le début des travaux de réhabilitation finale du CET. »
Et le tournant, c'est que ce chantier va bientôt débuter. En effet, a annoncé Nathalie Le Yondre, « la phase de conception du projet et d'attribution des marchés de travaux est en voie de s'achever et les premières entreprises s'installeront sur site dans les prochaines semaines. »
Le coût total de ces travaux est évalué à 9 millions d'euros. « Ils seront totalement financés par l'Ademe, a poursuivi la maire, sur le principe du site orphelin, à titre exceptionnel après de longues discussions avec l'Etat
La maire a ensuite donné quelques indications sur la façon dont allaient se dérouler les travaux. « Ils devraient durer deux ans. Ils consisteront à assurer définitivement l'étanchéité des casiers de déchets des zones B et C du site. Ils devraient ensuite reprendre la totalité du dispositif de collecte de biogaz et des lixiviats (c'est-à-dire, littéralement, le jus des déchets, NDLR) et la gestion des eaux de ruissellement du site. »
La commune ne reste pas en dehors du processus. Elle demeure « responsable de la gestion quotidienne du site, de son entretien et du traitement des effluents qu'elle a confié à la société Suez Environnement depuis 2013 ».
Cependant, depuis le 1er janvier 2016, la Communauté de Communes du nord Bassin d'Arcachon (Coban) prend à sa charge une partie des dépenses de fonctionnement du site : « Un découpage par zone a été effectué et la Coban financera la gestion des deux zones qui correspondent aux anciennes décharges d'ordures ménagères ».
Prise de conscience
Lors de ses vœux, Nathalie Le Yondre a donc pris soin de remercier tous les partenaires qui ont soutenu la ville sur ce dossier. Il y a même eu un remerciement « appuyé » à Bruno Lafon, maire sans étiquette de Biganos et président de la Coban et à l'ensemble des maires de cette intercommunalité « pour leur prise de conscience de la compétence de la Coban sur la partie du site qui a autrefois accueilli les ordures ménagères ».
Il faut dire que le CET n'a pas été que le déversoir des ordures d'Audenge mais bien celui de bien d'autres communes. « Ce dossier est la parfaite illustration d'un partenariat technique, financier, qui a réussi et qui s'est construit dans le temps et la confiance réciproque de tous les partenaires » a conclu Nathalie Le Yondre.
Enfin, le 3 février 2016 aura lieu à la mairie d'Audenge, en présence de l'Ademe, une réunion d'information ouverte à tous pour détailler les travaux à venir.
ACTE 9 - le 01 /07/2017
Fin des travaux de réhabilitation
Le dôme de protection est en place. L'évacuation des lixiviats vers le Bassin est maintenant limitée, mais hélas pas stoppée pour encore de nombreuses années.
Sources et images: Dominique Richard - Sabine Menet - Stéphane Thierry - Bernadette Dubourg - http://www.sudouest.fr - http://audenge.canalblog.com
Voir aussi
http://www.bassindarcachon.com/crii_du_kayok.aspx?id=69
http://www.sepanso.org/so_nature/Pdf/son_151-complet.pdf
L'avis de Bassindarcachon.com
"Les travaux débutent 9 années après les faits, trop tard pour le littoral nord bassin, du Domaine de Certes jusqu'aux Quinconces d'Andernos, toute vie a disparue, il s'agit là d'une véritable catastrophe environnementale.