L'été 1850 vit s'arrêter à Bordeaux un aéronaute anglais du nom de George Burcher GALE qui parcourait la France en donnant des représentations aéronautiques. Ancien lieutenant de la marine royale d’Angleterre, il s’était associé avec l’un de ses compatriotes, un dénommé CLIFFORD qui possédait un ballon que l'on disait magnifique, le Royal Crémorne. Très vite en effet, les montgolfières, dont l’utilisation sans foyer, pour respecter la loi, limitait par trop la durée du vol, avaient laissé la place aux ballons.
Nos deux anglais avaient pour spécialité l’organisation d’ascensions équestres, lesquelles étaient fort audacieuses et provoquaient à chaque fois l'engouement d'un public toujours plus nombreux. Pour son malheur, Georges GALE avait un faible assez marqué pour la dive bouteille dont il avait pris l'habitude de faire un usage immodéré avant chaque envol. Ce n'était pas à Bordeaux qu'il allait déroger à cette coutume et il en abusa plus encore qu'à l'ordinaire. Conscient de son état, son acolyte CLIFFORD s’était proposé de le remplacer, mais sans succès.
Et c’est ainsi que George GALE, tenant tant bien que mal sur son cheval, s'était envolé le 8 septembre à six heures un quart du jardin de Vincennes.
Après un séjour d'une heure dans l'atmosphère et dans cet étrange équipage, il avait sans encombre retouché terre sur la commune de Cestas, entre la propriété de M. PELAUQUE et celle de M. BALGUERIE, précise la chronique. Là, sept ou huit paysans se saisirent des cordes du ballon, dont l'ancre s'était accrochée à un pin, l'aidèrent dans sa manœuvre et détachèrent le cheval. Les pattes de celui-ci étaient en état de catalepsie complète, obligeant le pauvre animal à se coucher dès qu'il eut touché terre. Mais rassurons-nous, il se redressait très vite et se mettait dare-dare à brouter l'herbe qui l'entourait, comme si de rien n'était.
Pendant tout ce temps, notre aéronaute était descendu de sa nacelle et indiquait, par force gestes et invectives, les manœuvres à exécuter. Cependant, s’exprimant dans une langue étrangère que l’emprise d’un état alcoolique avancé rendait d’autant plus absconse, il ne parvenait pas à se faire bien comprendre de ses aides bénévoles. Sur des ordres mal interprétés, ceux-ci lâchèrent les câbles à un moment inopportun, ce qui eut pour effet, compte tenu de l'allégement qu'avait entraîné la descente du cheval et de l'aéronaute, un envol immédiat et particulièrement brutal du ballon. L'ancre se libéra du pin dans lequel elle était prise en brisant la branche qui la retenait. Par malchance, GALE tomba dans la nacelle au fond de laquelle il fut projeté par l'accélération.
Un paysan prétendit l'avoir aperçu à une grande hauteur, immobile et le corps penché par-dessus bord, tirant la langue dans l'attitude d'un homme en train de suffoquer. Julien TURGAN, qui avait eu l’occasion de participer avec lui à une ascension, a raconté que son ballon était équipé d’une espèce de corbeille inférieure à partir de laquelle il était possible d’accéder à la nacelle au moyen d’une échelle en corde. Pour passer de l'une à l'autre, la dite nacelle était munie dans son plancher d’une trappe et c’est sans doute par cette ouverture béante que l’on pouvait, depuis le sol, apercevoir le corps du malheureux.
Dans cette deuxième ascension, l'aérostat parcourut environ deux kilomètres et demi. A huit heures, un habitant du lieu découvrit sur la lande le panache blanc qui surmontait la tête du cheval et que l'aéronaute avait placé sur sa casquette au moment de descendre de l'animal. Mais il fallut attendre 11 heures du soir pour que le ballon consentît à s'abattre, encore à demi gonflé et en parfait état, au milieu d'une lande située à Croix-d'Hinx selon certains auteurs, à la Croix de Hynx pour d’autres. La nacelle était vide et l'on pensa que l'aéronaute était allé chercher de l'aide auprès des habitations voisines et qu'il y passerait la nuit. Toutes les maisons sur la lisière de la lande furent visitées une à une, mais personne n'y avait vu George GALE. Le lendemain lundi, les recherches reprirent avec plus d'intensité, mais elles demeurèrent aussi infructueuses que la veille. Mais, à la pointe du jour à deux kilomètres de là, un berger fut surpris de voir un de ses chiens entrer dans un fourré de fougères et y flairer avec bruit. Il s'approcha et fut saisi d'horreur en découvrant le cadavre atrocement mutilé de l'infortuné aéronaute. Il était tourné face contre terre, les bras brisés et ployés sous la poitrine, le ventre enfoncé et les jambes fracturées en plusieurs endroits. La tête n'avait plus rien d'humain. Elle avait été à moitié dévorée par les bêtes sauvages. Le corps gisait ainsi à deux kilomètres environ de l'endroit où le ballon s'était posé la seconde fois. Le maire de Caudéran et M. PELAUQUE, sur la propriété duquel s'étaient déroulés ces événements, rendirent les derniers devoirs au malheureux aéronaute dont les restes furent transportés à huit heures du soir au jardin de Vincennes. L’enterrement eut lieu le lendemain selon les rites du culte protestant.
Le malheureux laissait une veuve et 6 ou 9 enfants (suivant les chroniqueurs) au profit desquels était aussitôt organisée une collecte qui se serait révélée fort lucrative.
(d'après Jean Pierre ARDOIN SAINT AMAND)
Sa descendante Rowena SUMMERS (en Australie) m’a donné personnellement ces autres informations :
Il serait né le 8 décembre 1799 à Fulham (Angleterre), fils de William et Rebecca GALE (d’autres informations sur ses 2 mariages et sa descendance sur demande).
Il était principalement acteur mais aussi inspecteur des garde-côtes en Irlande du Nord.
Son ascension à Bordeaux était la 114ème.
Xavier HESSEL