Du premier hôtel au premier palace à Arcachon.
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Toutes les histoires locales
mercredi 24 mars 2010
- Hé, adieu, passager de première classe, tu t’extasies et tu as bien raison, sur cet Hôtel de la Ville d’Hiver qui vient d’ouvrir, le premier construit dans Arcachon depuis belle lurette. C’est le moment ou jamais de mettre le cap sur l’étonnante histoire de l’équipement touristique d’ Arcachon. Par exemple, pour aujourd’hui, en se propulsant du premier hôtel de la ville à son premier palace ...
Hôtel Ville d'Hiver - Arcachon - 2010
Albert de Ricaudy, historien local, a fait de François Legallais, en dressant sa biographie, le père d’Arcachon. C’est donner la primauté à l’économique sur le politique mais il est vrai que l’hôtel du Corsaire Normand, ouvert en 1823, a fait beaucoup pour la réputation naissante d’Arcachon. Un client anonyme, cité par Charles Daney, écrit : << L’établissement réunit tout ce qui peut rendre la vie aimable et douce : on y est logé fort élégamment, du linge de grande beauté, beaucoup d’argenterie et une table aussi délicatement que copieusement fournie où les royans et les soles tombent du filet sur le gril >>.
Il y avait à La Teste un capitaine au long cours retiré de la navigation, François Legallais. Par son mariage avec une Testerine, il est propriétaire d'une parcelle de forêt qui aboutit à la plage.
Il comprend qu'une clientèle plus riche, plus choisie y établirait sa villégiature s'il y avait là un hôtel. Il construit cet hôtel, il l'ouvre en 1823. L'Établissement Legallais se compose de trois pavillons d'un étage reliés par des bâtiments en rez-de-chaussée. Tout autour règnent des galeries abritées contre le soleil, des "Varandes" comme Legallais en a vu aux Indes. Ce sera pendant 50 ans, le type de constructions de plaisance sur cette plage à l'aspect exotique.
De plus, on ne s’ennuie pas chez Legallais. On y trouve des salons de billard et de lecture et l’hôte organise des sorties en bateau sur le Bassin, des parties de pêche, des visites dans les cabanes des pêcheurs et Legallais conduit même des excursions aventureuses au Ferret, vers l’océan, qui épatent le bourgeois. Il a déjà compris les deux règles d’or du tourisme le plus moderne, celles des clubs de vacances : un accueil de qualité et des animations variées. Au centre desquelles, figurent les bains. Chauds et froids. Pour ces derniers, des cabanes fixes ou à roulettes attendent les baigneurs auxquels Legallais fournit la tenue idoine. <<Chemises pour les dames, caleçons et gilets - de laine - pour les hommes. >>
Mais Legallais, ajoute à ses qualités de bon commerçant novateur, un optimisme extrême pour imposer les bains arcachonnais face à ceux de Royan auxquels on arrive commodément par un confortable bateau depuis Bordeaux. Car le voyage pour parvenir à Arcachon relève d’une expédition. Il faut partir vers dix-sept heures de Bordeaux, faire étape à Croix d’Hins dans une mauvaise auberge, en repartir à trois heures du matin pour arriver vers neuf heures trente à La Teste. De là, il faut encore compter une bonne heure pour parvenir à la plage d’Eyrac, à travers une plaine coupée de marais. Sans compter, comme le raconte encore un voyageur, << Qu’il a versé deux fois dans le fossé et franchi l’ Eyre à gué >>.
Les choses s’améliorent lorsqu’en 1830 la route départementale, retracée, atteint enfin La Teste mais elle n’est pas empierrée avant 1837. Autre difficulté : en 1828, les entrepôts testerins de Legallais brûlent. Mais ils sont assurés. Par contre, Legallais ne l’est pas contre les critiques décourageantes dont l’assaillent ses amis, ses parents et même sa propre femme. Ce qui ne l’empêche pas d’offrir un établissement dont Oscar Déjean dit, en 1845 << Qu’il réunit chaque année une société nombreuse et surtout très bien choisie car M. Legallais n’admet pas chez lui les personnes de mœurs, même douteuses >>.
En 1858, l’hôtel Legallais (1) compte quatre-vingt-dix-sept chambres dont vingt-et-une avec feux. On déjeune à dix heures et on dîne à dix-sept heures, à la table d’hôte. Il en coûte de sept à dix francs, tout compris et cinq francs par domestique. Mais les prix ont augmenté depuis 1830 où chaque domestique ne revenait qu’à deux francs, comme les enfants. Malgré cela, on est donc parfaitement bien chez M. Legallais car son hôtel distille autant de bonheur tranquille que le Bassin qui rutile à ses pieds. Si bien que d’autres établissements se créent. Et, preuve de l’extraordinaire développement touristique et financier de la cité, six ans à peine après cette dernière carte postale, on voit naître notre premier palace, symbole parfait du développement rapide de la ville lorsque le grand capital s’est intéressé à elle. Les travaux de construction, sur des plans de l’inamovible Régnault, dans le style imposant du Grand Hôtel de Paris, sont adjugés en 1864 à l’entrepreneur-architecte Eugène Ormières, pour 400 000 francs. Visitons des lieux voulus éblouissants avec Eliane Keller.
Salle à manger du Grand Hôtel - Arcachon (avant 1906)
Fête au Casino - Arcachon (1904)
Dans le parc, gardé par des grilles, on voit un kiosque à musique, celui de l’actuelle Place Flemming. Par un large escalier situé sur la façade sud et aujourd’hui hélas détruit, on pénètre dans la colonnade du grand hall d’entrée. Une armée de grooms ouvre de hautes et larges portes vers un salon de deux cent cinquante mètres carrés ou vers d’ autres salles pour jouer au billard, pour lire ou pour fumer. En face, on glisse, sur d’épais tapis quadrillés, vers la salle à manger de cent cinquante couverts. A deux niveaux, décorée de colonnes et d’énormes lustres, elle en impose. Elle s’ouvre par de hautes baies sur le Bassin et donne sur des terrasses d’où l’on suit les régates. Un service d’hydrothérapie propose douches ou bains de mer, chauds ou froids. Un ascenseur grimpe les trois étages, desservant cent chambres, toutes dotées de cabinets de toilette. C’est le grand luxe ! Avec ce Grand Hôtel, mis en service en 1866, s’ouvre à Arcachon, le temps des palaces.
Grand Hôtel - Arcachon (avant l'incendie de 1906)
On ne peut évidemment que regretter que les municipalités arcachonnaises d’après-guerre n’aient pas eu l’audace de celles de Biarritz. Là-bas, elles ont su créer une structure économique qui a permis de conserver en fonctionnement son plus grand palace napoléonien. Fort heureusement, les copropriétaires de l’actuelle résidence “Grand hôtel” ont beaucoup investi pour redonner à la façade de l’immeuble son luxe et son élégance.
JEAN DUBROCA
Note :
L'établissement Gailhard, sa construction date de 1836.
Il a été habité pendant toute la saison 1841 par l'Infant d'Espagne Don François de Paule et sa famille. Il fut construit sur la Plage d'Eyrac et devint par la suite l'Hôtel d'Eyrac, détruit en 1924. Il était situé à l'emplacement actuel de la résidence du Port, 57 Boulevard de la Plage.
Gravure extraite de l'Illustration du samedi 15 août 1846 (N°181, Vol 7) : "L'établissement de MM Gailhard, le plus nouvellement construit et le plus confortable de tous, est, comme les autres, adossé à une immense forêt de plusieurs lieues carrées de superficie, dont les pins gigantesques forment l'essence principale, mais où se rencontrent à chaque pas les chênes séculaires, les taillis, les arbousiers et une foule d'autres arbustes. Plantée sur une chaîne de dunes, cette forêt offre aux promeneurs des sites délicieux; l'un des plus vifs plaisirs des baigneurs et baigneuses d'Arcachon est de former de longues cavalcades pour se lancer au galop dans les sentiers sinueux qui montent et descendent sur les flancs des dunes sablonneuses."
L'établissement Gailhard et le Casino en 1850. D'après une lithographie de Léo Drouyn.
Sources
http://leonc.free.fr/
et
http://www.arcachon-nostalgie.com
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