Jusqu’à la fin du 19ème siècle les landes de Gascogne étaient infestées de loups. Les bergers étaient obligés de se percher sur des échasses (tchanques en patois) pour surveiller de haut leur troupeau de moutons (parfois de chèvres) de leurs attaques. Un véritable fléau car que pouvaient faire ces célèbres échassiers landais et leur brave chien de berger quand une bande de loups attaquait leur troupeau de paisibles moutons pacageant dans la lande, des proies bien plus facile à capturer qu’un chevreuil bondissant et un délice comparé à un sanglier à la chair coriace.
Des battues étaient régulièrement organisées par arrêté préfectoral. Les habitants étaient réquisitionnés et des primes offertes en fonction de l’animal abattu, loup, louve ou louveteau. Cela posait parfois quelques problèmes quand il fallait par exemple que les habitants de Salles aillent chasser les loups du côté de Lacanau (le dernier loup y a été officiellement abattu en 1850). Le trajet aller-retour se faisait bien entendu à pieds à travers forêt et lande …
Mais il parait qu’ils ne s’attaquaient pas qu’aux animaux et Marichon Bouzats raconte en 1891 la disparition d’une fillette qui auraient été dévorée par des loups, sauf la robe, les sabots, la tête et les pieds (« lou cap è lous pés ») que l’on a retrouvés intacts. Pas de trace du reste. « Lous loups se l’auén toute minjade » (les loups l’avaient toute mangée). C’est pour le moins curieux ! Ce témoignage a été recueilli par Félix Arnaudin pour son ouvrage « Comtes populaires de la grande lande ». Ca veut tout dire ! Merci Charles de Perrault de nous avoir donné « la peur du loup » …
Il n’a pourtant certainement pas totalement disparu de notre région où il trouve une nourriture abondante dans ces grands espaces sauvages. Mais, chut ! Il ne faut pas le dire. Lorsque le journal Sud-Ouest a annoncé en juin 1968 que des loups (deux couples et leurs louveteaux, soit 12 loups) vivaient tranquillement dans l’ancien camp militaire américain de Roquefort vers Captieux, Luxey, Le Sen et Lencouacq on a envoyé l’armée pour les abattre ... Pensez ! Ils prélevaient « illégalement » du gibier aux chasseurs du coin. Alors, haro sur le loup ! Les « petits chaperons rouge » locaux risquaient-ils vraiment quelque chose ?! J’en doute. D’ailleurs aucun n’a été attaqué par ces « féroces carnassiers ».
Il y a quelques années, lors d'un hiver rigoureux en Russie, les habitants de la banlieue de Moscou ont constaté qu'il y avait beaucoup de chiens errants dans les rues, renversant les poubelles pour se nourrir de leurs déchets alimentaires. Ils s'en sont plaints aux autorités, qui ont enquêté. Ils ont découvert que c'était en réalité des loups ! Chacun sait que la faim fait sortir le loup du bois ... Aucun habitant n'a été attaqué.
J'ai rencontré un loup il y a quelques années (août 1994), quelque part dans le sud-ouest, dans un endroit reculé. C'était l'animal de compagnie d'un vieil homme à l'aspect plutôt rustique et cependant secrétaire de mairie. Sans doute l'avait-il recueilli autrefois, louveteau orphelin après que ses parents aient été abattus par des chasseurs. Il ne m'a fait aucun mal ! Il a reniflé mes chaussures puis m'a regardé droit dans les yeux, une image que je n'oublierai jamais ! Ses yeux presque transparents, son museau allongé, son échine courbe avec une crinière sur le cou et sa queue bien fournie à la position caractéristique ne faisait aucun doute sur son identité. Je vous souhaite de vivre un jour cette expérience, vous trouver face à face avec un loup.
Alors, promeneurs amoureux de la nature dans notre belle région, si vous voyez une empreinte de loup au gré de vos balades en forêt, surtout ne dites rien et continuez votre chemin en toute quiétude. Vous ne verrez pas le loup. Sans doute lui vous verra-t-il mais il ne vous croquera certainement pas !
SL