Le magistrat Jacques Auguste de Thou, conseiller au Parlement de Paris avait été envoyé en Guyenne en 1581 par Henri III, afin de négocier une entente avec le roi de Navarre, futur Henri IV.
Dans ses « mémoires », il relata son voyage et n'en négligea pas la partie touristique et gastronomique
"Quand on a quitté le pays qui eft au-delà de la Garonne, on trouve à gauche le rivage de la mer bordé de pins très-élevez, dont on tire la poix ou la réfine. Comme on enlève l'écorce de ces arbres, la nature prévoyante fait naître tout autour quantité d'arbuftes pour les revétir ; entr'autres des arboifiers, dont les fleurs & les fruits plus agréables qu'utiles n'en couvrent pas feulement la défectuofité, mais produifent encore avec la vûë de la mer, le plus charmant fpectacle qu'on puiffe voir.
Du temps d'Auzone on donnoit le nom de Buchs & Bayonnois aux habitants de ces côtes ; pour lui, il les nomme tantôt Buchs & tantôt Poiffez, fans doute par rapport à la poix qu'on tire de ces pins dont l'écorce fournit encore de nos jours à ces peuples dequoi fe chauffer et s'éclairer. On trouve auffi le long de la côte le Cap de Buch, qui conferve fon ancien nom ; ce qui fe prouve par le nom d'une petite ville qu'on appelle encore aujourd'hui téte de Buch, & par le nom que portoient les Seigneurs de l'illustre Maifon de Foix ; entr'autres ce fameux Capitaine du temps de nos guerres contre les Anglois, duquel nos Hiftoires font mentions, fous le nom de Captal de Buch.
Quelques-uns prétendent que cette Villette tire fon nom d'un rocher qui la domine & qui eft couvert d'une grande quantité de tefts ou d'écailles d'huîtres que produit le voifinage de la mer : ce qui ne me paroit pas vraifemblable, car le mot latin Tefta, ne signifie point ce qu'entendent les Gafcons dans leur langue par le mot de Tefte.
La Baye de ces côtes eft faite de manière, que cette petite Ville qu'on nomme Cap de Buch, eft fcituée à la partie fupérieure, & Certes de l'autre côté. Certes appartenoit à Honorét de Savoye Marquis de Villars, auparavant Gouverneur de la Province, & c'étoit Françoife de Foix fa femme qui la lui avaoit apportée en dot.
Ces Meffieurs firent dreffer une table pour dîner fur le rivage ; comme la mer étoit baffe, on leur aportoit des huîtres dans des paniers ; ils choififfoient les meilleures & les avalloient fi tôt qu'elles étoient ouvertes ; elles font d'un goût fi agréable & et fi relevé, qu'on croit refpirer la violette en les mangeant ; d'ailleurs elles font fi faines, qu'un de leurs Laquais en avala plus de cent fans s'en trouver incommodé. Là, dans la liberté du repas, on s'entretint tantôt de la beauté du lieu, tantôt de ce qu'on jugoit le plus propre au bien de l'Etat, tantôt de ce fameux Capitaine dont on vient de parler, tantôt de ces grands hommes dont Cicéron fe fouvient en quelque endroit de fes Ouvrages qui ne croyoient pas qu'il fut indigne d'eux d'employer un repos honnête & néceffaire pour délaffer l'esprit de fes grandes occupations à ramaffer à Gayette & à Laurentio, des coquilles & de petits cailloux fur le rivage."
(Edition originale, 1741)
Recueilli dans le Journal d'Arcachon N° 1158 par
Aimé Nouailhas du groupe HTBA